SUR LA RECEVABILITÉ


                      de la requête N° 26536/95
                      présentée par Carlo BOFFA et 13 autres
                      contre Saint-Marin
                              __________

     La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 15 janvier 1998 en présence
de

           MM.   M.P. PELLONPÄÄ, Président
                 N. BRATZA
                 E. BUSUTTIL
                 A. WEITZEL
                 C.L. ROZAKIS
           Mme   J. LIDDY
           MM.   L. LOUCAIDES
                 B. MARXER
                 B. CONFORTI
                 I. BÉKÉS
                 G. RESS
                 A. PERENIC
                 C. BÎRSAN
                 K. HERNDL
                 M. VILA AMIGÓ
           Mme   M. HION
           M.    R. NICOLINI

           Mme   M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre ;

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 26 octobre 1994 par Carlo BOFFA et
13 autres contre Saint-Marin et enregistrée le 16 février 1995 sous le
N° de dossier 26536/95 ;

     Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     La présente requête a été introduite par quatorze personnes
résidant à Saint-Marin. La liste complète des requérants est annexée
à la décision.

     Les faits, tels qu'exposés par les requérants, peuvent se résumer
comme suit.

A.   Circonstances particulières de l'affaire

     Le 11 février 1993, l'institut de médecine générale de Saint-
Marin ("Direzione servizio medicina di base") ordonna aux requérants
n° 2, 3, 4 et 5 de faire vacciner leurs enfants mineurs contre
l'hépatite B, en application du décret n° 128 du 23 octobre 1991,
instituant le calendrier des vaccinations. Il ressort du dossier que
l'injonction de l'institut de médecine mentionnait que cette
vaccination était obligatoire et qu'un éventuel refus d'obtempérer
serait puni en application de l'article 259 du code pénal.

     Le 16 février 1993, l'institut de médecine générale ordonna au
requérant n° 1 de soumettre son enfant mineur à une série de
vaccinations, parmi lesquelles celle contre l'hépatite B.

     Le 15 avril 1993, ledits requérants introduisirent un recours
devant le tribunal administratif de première instance. Ils demandaient
la suspension et l'annulation des injonctions de l'institut de
médecine, faisant valoir que le décret n° 128 de 1991 prévoyait
uniquement le calendrier des vaccinations et que, faute d'une loi ad
hoc, la vaccination contre l'hépatite B n'était pas obligatoire. Par
ailleurs, au cas où le tribunal estimerait que cette obligation découle
du décret n° 128 de 1991, les requérants se réservaient de soulever une
question de légitimité constitutionnelle du décret en cause.

     Le 28 avril 1993, le tribunal administratif, après jonction des
deux recours, accorda la suspension des injonctions de l'institut de
médecine.

     Le 2 juillet 1993, les requérants soulevèrent une question de
légitimité constitutionnelle devant le tribunal administratif. Ils
faisaient valoir que toutes les lois prévoyant l'obligation de se
soumettre à une vaccination étaient incompatibles avec les droits et
libertés fondamentaux.

     Le 27 juillet 1993, le tribunal administratif déclara vouloir
poursuivre l'examen de la cause. Le tribunal estima que la question de
légitimité constitutionnelle était manifestement mal fondée, dans la
mesure où les lois en cause prévoient que les vaccins obligatoires ne
doivent pas être administrés lorsqu'ils mettraient l'enfant dans une
situation de danger liée à son état de santé particulier.

     Le 6 août 1993, le tribunal administratif accueillit le recours
des requérants, annulant les injonctions administratives dans la mesure
où elles portaient sur le vaccin contre l'hépatite B.

     Il ressort du jugement que le décret n° 128 de 1991 devait être
considéré comme un simple calendrier de vaccinations et qu'il ne
rendait dès lors pas obligatoires les vaccinations en l'absence d'une
loi spécifique en la matière. De ce fait, les injonctions de l'institut
de médecine devaient être annulées pour excès de pouvoir.

     Les requérants interjetèrent appel de la partie du jugement qui
avait déclaré manifestement mal fondée la question de légitimité
constitutionnelle des lois instituant des vaccinations obligatoires.

     Par arrêt du 18 mars 1994, le tribunal administratif de deuxième
instance transmit le dossier au "Consiglio Grande e Generale",
compétent d'après le droit saint-marinais à se prononcer sur la
légalité des lois.

     Le 5 avril 1994, le "Consiglio Grande e Generale" chargea un
expert de formuler un avis juridique sur la compatibilité avec la
Constitution de la loi n° 19 de 1943 (vaccination contre la diphtérie
et la variole), du décret n° 1 de 1966 (vaccination contre la
poliomyélite), du décret n° 19 de 1974 (vaccination contre la
coqueluche), du décret N° 128 de 1991 (calendrier des vaccinations).

     Le 8 avril 1994, l'expert déposa son avis, dans lequel il
concluait à l'illégitimité des lois instituant l'obligation de se faire
vacciner, cette dernière étant incompatible avec les droits
fondamentaux de la personne.

     Le 26 avril 1994, le "Consiglio Grande e Generale" discuta
l'affaire à huis clos.

     Le 15 juin 1994, le "Consiglio Grande et Generale" vota contre
l'adoption de l'avis juridique formulé par l'expert.

BB.  Droit interne pertinent

     La loi n° 19 du 27 mai 1943 a introduit l'obligation de se
vacciner contre la diphtérie et la variole. Aux termes de l'article 2
de cette loi, sont exemptés du vaccin les enfants qui seraient mis en
danger à cause de leur état de santé particulier.

     Le décret n° 1 du 17 février 1966 a introduit l'obligation de se
vacciner contre la poliomyélite. Le décret n° 19 du 5 mars 1974 a
introduit l'obligation de se vacciner contre la coqueluche. Ces décrets
prévoient également que les enfants qui seraient mis en danger par la
vaccination doivent être exemptés de celle-ci.

     Aux termes de l'article 259 du code pénal saint-marinais, celui
qui refuse d'obtempérer à un ordre légitime imparti par l'Autorité en
matière de sécurité, santé, hygiène ou ordre public sera puni avec
l'arrestation de II degré.


GRIEFS

1.   Les requérants se plaignent de l'existence des lois prévoyant
l'obligation de se faire vacciner pour les personnes résidant à Saint-
Marin. Ils font valoir que le danger de mort lié aux vaccins est élevé
et allèguent la violation de l'article 2 de la Convention. Ils se
plaignent en outre de ce que l'impossibilité pour les parents de
choisir librement de faire vacciner leurs enfants constitue une
atteinte injustifiée à leur liberté de pensée et de conscience, en
violation de l'article 9 de la Convention. Les requérants se plaignent
enfin que l'impossibilité de choisir de se faire vacciner constitue une
atteinte injustifiée à leur droit de liberté tel que garanti par
l'article 5 de la Convention, ainsi qu'à leur droit à la vie privée et
familiale tel que garanti par l'article 8 de la Convention.

2.   Les requérants se plaignent que le "Consiglio Grande e Generale"
a procédé à huis-clos à la discussion et à la votation sur la question
de légitimité constitutionnelle des lois litigieuses. De ce fait, ils
allèguent la violation de l'article 10 de la Convention.


EN DROIT

     Les requérants se plaignent de l'existence des lois prévoyant
l'obligation de se faire vacciner pour les enfants mineurs résidant à
Saint-Marin. Ils allèguent la violation des articles 2, 5, 8 et 9
(art. 2, 5, 8, 9) de la Convention.

1.   La Commission doit en premier lieu examiner la question de savoir
si les requérants peuvent se prétendre victimes d'une violation des
dispositions invoquées.

     La partie pertinente de l'article 25 (art. 25) de la Convention
se lit ainsi :

     "1.   La Commission peut être saisie d'une requête (...) par
     toute personne physique, toute organisation non gouvernementale
     ou tout groupe de particuliers, qui se prétend victime d'une
     violation par l'une des Hautes Parties Contractantes des droits
     reconnus dans la présente Convention (...)".

     Pour pouvoir se prévaloir de cette disposition il faut remplir
deux conditions : le requérant doit entrer dans l'une des catégories
de demandeurs mentionnées à l'article 25 (art. 25) et il doit pouvoir
se prétendre victime d'une violation de la Convention.

     En l'espèce, la première condition se trouve remplie : les
requérants en question sont des personnes physiques et en tant que
telles entrent manifestement dans l'une des catégories visées à
l'article 25 (art. 25) de la Convention.

     Quant à la seconde condition, la Commission rappelle que la
notion de victime prévue à l'article 25 (art. 25) de la Convention doit
être interprétée de façon autonome et indépendamment des notions
internes telles que celles concernant l'intérêt ou la qualité pour
agir.

     De l'avis de la Commission, pour qu'un requérant puisse se
prétendre victime d'une violation de l'un des droits et libertés
reconnus par la Convention, il doit exister un lien suffisamment direct
entre le requérant en tant que tel et le préjudice qu'il estime avoir
subi du fait de la violation alléguée (N° 10733/84, déc. 11.3.85,
D.R. 41, pp. 211, 215).

     A cet égard, la Commission rappelle sa jurisprudence selon
laquelle ne peut se prétendre victime celui qui est incapable de
montrer qu'il est personnellement affecté par l'application de la loi
qu'il critique (N° 10733/84, affaire précitée ; N° 15117/89,
déc. 16.1.95, D.R. 80, pp. 5, 10-11).

     Or, les requérants n° 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 n'ont pas
montré qu'ils subissent directement les effets des lois contestées, car
ils n'ont pas reçu d'injonction de faire vacciner leurs enfants. Ils
s'ensuit que ces requérants ne sauraient se prétendre victimes, au sens
de l'article 25 (art. 25) de la Convention, d'une violation des
dispositions de la Convention.

     Cette partie de la requête est donc incompatible ratione personae
avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée
conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

     Il échet de déterminer si les requérants n° 1, 2, 3, 4 et 5
peuvent se prétendre victimes au sens de l'article 25 (art. 25) de la
Convention.

     S'agissant du vaccin contre l'hépatite B, faisant l'objet du
recours introduit par les requérants n° 1, 2, 3, 4 et 5, les décisions
administratives ordonnant la vaccination ayant été annulées pour excès
de pouvoir par les juridictions internes, la Commission estime que ces
requérants ne peuvent pas se prétendre victime d'une violation des
dispositions de la Convention (voir, mutatis mutandis, N° 16360/90,
déc. 2.3.94, D.R. 76, pp. 13, 17).

     Il s'ensuit que sur ce point la requête est également
incompatible ratione personae, au sens de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.

     S'agissant des autres types de vaccins en cause, la Commission
note que les requérants n° 2, 3, 4, 5, bien que parties dans la
procédure interne, n'ont pas reçu d'injonctions du service de médecine
ordonnant des vaccinations obligatoires. La Commission estime que rien
n'indique dans le dossier qu'ils risquent de subir directement les
effets des lois contestées et que dès lors ils ne sauraient se
prétendre victimes d'une violation des dispositions de la Convention.

     Il s'ensuit que sur ce point la requête est incompatible ratione
personae, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

     S'agissant du requérant n° 1, la Commission est d'avis que celui-
ci risque de subir directement les effets des lois contestées car il
a reçu une injonction ordonnant des vaccinations obligatoires (voir,
mutatis mutandis, Cour eur. D.H., arrêt Markcx c. Belgique du 13 juin
1979, série A n° 31, p. 13, par. 27 ; N° 6959/75, déc. 19.5.76, D.R. 5,
pp. 103, 128 ; N° 31924/96, déc. 10.7.97, non publiée).

      Dans ces circonstances, la Commission estime que ce requérant
peut se prétendre victime, au sens de l'article 25 (art. 25), d'une
violation des dispositions invoquées.

2.   Le requérant n° 1 se plaint des dangers liés aux vaccinations en
cause. Il allègue la violation de l'article 2 (art. 2) de la
Convention.

     Aux termes de cette disposition, le droit de toute personne à la
vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque
intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée
par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

     La Commission rappelle que cet article assure principalement une
protection contre le fait d'infliger la mort. Même en supposant que
l'intégrité physique puisse être considérée comme protégée par cet
article, une intervention telle qu'une vaccination ne constitue pas en
tant que telle une ingérence interdite par cette disposition. De plus,
le requérant n'a apporté aucun élément montrant que, dans le cas
particulier de son enfant mineur, une vaccination créerait médicalement
un danger concret pour sa vie (v., mutatis mutandis, N° 8278/78,
déc. 13.12.79, D.R. 18, pp. 154, 158).

     Pour ces raisons, la Commission n'a relevé aucune apparence de
violation de la disposition invoquée.

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être
rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

3.   Le requérant n° 1 se plaint de ce que le système de vaccination
obligatoire constitue une atteinte à son droit à la liberté de pensée
et de conscience. Il allègue la violation de l'article 9 (art. 9) de
la Convention, qui stipule :

     "1.   Toute personne a droit à la liberté de pensée, de
     conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de
     changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de
     manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou
     collectivement, en public ou en privé, par le culte,
     l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites."

     La Commission rappelle que l'article 9 (art. 9) de la Convention
protège avant tout le domaine des convictions personnelles et des
croyances religieuses, que l'on appelle parfois le for intérieur. Il
protège en outre des actes qui sont intimement liés à ces convictions,
tels les actes du culte ou de dévotion qui sont des aspects de la
pratique d'une religion ou d'une croyance revêtant une forme
généralement reconnue (voir, mutatis mutandis, N° 14331/88 et 14332/88,
déc. 8.9.89, D.R. 62, pp. 309, 313 ; N° 10678/83, déc. 5.7.84, D.R. 39,
pp. 267, 270).

     Cependant, en protégeant ce domaine personnel, l'article 9
(art. 9) de la Convention ne garantit pas toujours le droit de se
comporter dans le domaine public de la manière que dicte une telle
conviction. La Commission rappelle que le terme "pratiques" ne désigne
pas n'importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou une
conviction (N° 10678/83, déc. précitée, ibidem).

     Or, la Commission relève que l'obligation de se faire vacciner
telle que prévue par la législation en cause, s'applique à toute
personne quelle que soit sa religion ou conviction personnelle.

     En conséquence, la Commission estime qu'il n'y a pas eu en
l'espèce d'ingérence dans la liberté garantie par l'article 9 par 1
(art. 9-1) de la Convention.

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé au sens de
l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

4.   Le requérant n° 1 se plaint de ce que le système de vaccination
obligatoire constitue une atteinte à sa liberté et à sa vie privée et
familiale. Il allègue la violation des articles 5 et 8 (art. 5, 8) de
la Convention.

      La Commission estime que cette partie de la requête doit être
examinée uniquement sous l'angle de l'article 8 (art. 8) de la
Convention, l'article 5 (art. 5) visant exclusivement des situations
de privation de liberté physique de la personne (voir, par ex., N°
12541/86, déc. 27.5.91, D.R. 70, pp. 103, 110).

     L'article 8 (art. 8) de la Convention se lit ainsi :

     "1.   Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
     familiale, de son domicile et de sa correspondance.

     2.    Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans
     l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est
     prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une
     société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à
     la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense
     de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la
     protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des
     droits et libertés d'autrui."

     La Commission a déjà affirmé que l'obligation, sous peine de
sanction, de se soumettre à un traitement médical ou à une vaccination
peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie privée
(N° 10435/83, déc. 10.12.84, D.R. 14, pp. 251, 253).

     Il reste à examiner si cette ingérence se concilie avec le
paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8-2) de la Convention. A cet égard,
la Commission doit établir si l'ingérence prévue par les lois saint-
marinaises en cause est inspirée par un ou plusieurs des buts légitimes
d'après le paragraphe 2 et nécessaire dans une société démocratique.

     La Commission estime que, pour ce qui est de l'objectif de la
législation mise en cause, l'ingérence litigieuse est justifiée par la
protection tant de la santé publique que de celle des intéressés eux-
mêmes.

     Reste à examiner la question de savoir si l'ingérence dans la vie
privée du requérant est "nécessaire dans une société démocratique".
D'après la jurisprudence de la Cour, la notion de nécessité implique
une ingérence fondée sur un besoin social impérieux, et notamment
proportionnée au but légitime recherché. Les autorités nationales,
toutefois, jouissent d'une marge d'appréciation dont l'ampleur dépend
non seulement de la finalité, mais encore du caractère propre de
l'ingérence (v. mutatis mutandis Cour eur. D.H., arrêt Olsson c. Suède
du 24 mars 1988, série A n° 130, pp. 31-32, par. 67).

     La Commission note d'une part que le requérant n'a pas démontré
la probabilité que, dans le cas particulier de son enfant mineur, les
vaccins en cause seraient de nature à entraîner des inconvénients
graves.

     D'autre part, la Commission estime qu'une campagne de
vaccination, telle que mise en place dans la plupart des pays,
obligeant l'individu à s'incliner devant l'intérêt général et à ne pas
mettre en péril la santé de ses semblables, lorsque sa vie n'est pas
en péril, ne dépasse pas la marge d'appréciation laissée à l'Etat
(N° 10435/83, déc. 10.12.83, D.R. 40, pp. 251, 253).

     Compte tenu de ces considérations, la Commission estime que
l'ingérence dont se plaint le requérant est proportionnée au but
poursuivi et peut être considérée comme une mesure nécessaire, dans une
société démocratique, à la protection de la santé, au sens du par. 2
de l'article 8 (art. 8) de la Convention.

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être
rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

5.   Les requérants se plaignent que le "Consiglio Grande e Generale"
a procédé à huis-clos à la discussion et à la votation sur la question
de légitimité constitutionnelle des lois litigieuses.

     Ils allèguent la violation de l'article 10 (art. 10) de la
Convention, qui est ainsi libellé :

     "1.   Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit
     comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de
     communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y
     avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de
     frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de
     soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de
     télévision à un régime d'autorisations.

     2.    L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des
     responsabilités peut être soumis à certaines formalités,
     conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui
     constituent des mesures nécessaires, dans une société
     démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale
     ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la
     prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale,
     à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour
     empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour
     garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire."

     A supposer même que les requérants puissent se prétendre victimes
d'une violation de la disposition invoquée, au sens de l'article 25
(art. 25) de la Convention, la Commission estime que ce grief est en
tout état de cause irrecevable pour les motifs suivant.

     La Commission rappelle que "la liberté de recevoir des
informations (...) interdit essentiellement à un gouvernement
d'empêcher quelqu'un de recevoir des informations que d'autres aspirent
ou peuvent consentir de lui fournir" (v. Cour eur. D.H., arrêts Leander
c. Suède du 26 mars 1987, série A n° 116, p. 29, par. 74 et Gaskin
c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A n° 160, p. 21, par. 52).

     Or, la Commission constate qu'en l'espèce les requérants ont eu
accès à l'avis juridique déposé par l'expert mandaté par le "Consiglio
Grande e Generale". La Commission est d'avis que le droit garanti par
l'article 10 (art. 10) de la Convention ne saurait être interprété
comme garantissant l'accès à des audiences de discussion ou de
délibération des organes compétents à décider sur la question de
constitutionnalité d'une loi.

     La Commission estime par conséquent qu'il n' y pas d'ingérence
dans le droit des requérants à recevoir des informations.

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être
rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la
Convention.

     Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

     DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

     M.F. BUQUICCHIO                             M.P. PELLONPÄÄ
        Secrétaire                                 Président
  de la Première Chambre                     de la Première Chambre